"Blanche Neige": Angelin Preljocaj croit encore aux contes de fées

Culture | Publié le 27/09/2008 10:00:36
Figure aussi inclassable qu'illustre de la danse contemporaine française, le chorégraphe Angelin Preljocaj a présenté "Blanche Neige" jeudi soir en première mondiale à Lyon, abordant ce conte avec beaucoup de conviction et de métier, dans des costumes recherchés de Jean Paul Gaultier.

Après des pièces de facture très abstraite, comme "Empty Mooves" ou "Eldorado", l'artiste de 51 ans avait envie de régler un grand ballet narratif et romantique mais aussi de chorégraphier, pour la première fois, pour tous les danseurs permanents (26) de sa compagnie, le Ballet Preljocaj.
Il a jeté son dévolu sur un conte universellement connu mais relativement rare sur les planchers de danse, en restant globalement fidèle à la version des frères Grimm. Une manière de jouer le jeu du récit qui permet à sa pièce de rester, sur la durée (1h50), la plus lisible et accessible possible. Preljocaj se contente de raconter "Blanche Neige", mais il le fait avec quelques astuces d'illusionniste. Si la princesse grandit en accéléré, c'est par la magie d'une substitution de danseuses derrière un pan de décor. On croit que la marâtre se regarde dans son miroir, mais c'est une doublure en chair et en os qui accomplit ses gestes derrière un voile, avec un mimétisme troublant.

Preljocaj collabore ici pour la première fois avec Jean Paul Gaultier, et c'est une rencontre au sommet. Le couturier n'en est pas à ses premiers costumes de scène -- il a beaucoup travaillé avec la chorégraphe Régine Chopinot. Il sait relever ce genre de défi en acceptant sa complexité, sans excès ni facilité.
Le costume de courtisan n'est pas absent, mais revisité avec cette facture plutôt libre et "nature" qui conduit aussi à dénuder les hanches de Blanche Neige dans sa robe immaculée. Comme on pouvait s'y attendre, la méchante Reine inspire beaucoup Jean Paul Gaultier, qui en fait une maîtresse SM au cou encagé dans une collerette à l'ancienne.
Fidèle de Preljocaj, Thierry Leproust signe des décors très forts, à l'image de ce mur percé de grottes que descendent, en rappel, les sept nains, ici d'étranges mais très mobiles troglodytes. En outre, les lumières de Patrick Riou soulignent bien la quête de féerie de Preljocaj, par exemple quand elles découpent une branche d'arbre sur le plateau noir. Ce spectacle assumant une dimension populaire sera sans doute jugé naïf par une partie de la critique. La bande son, largement composée d'extraits de symphonies du post-romantique Gustav Mahler, fera sans doute débat, quand bien
même l'usage qu'en fait Preljocaj n'est jamais gratuit. Fallait-il qu'il règle le pas de deux du prince réveillant Blanche Neige sur le sublime mais très galvaudé "Adagietto" de la "Cinquième" de Mahler ? Le résultat de cette écriture d'une sensualité et d'une maîtrise rares devrait dissiper nombre de réserves, du moins chez les spectateurs qui voudront bien regarder ce ballet avec un peu d'enfance dans les yeux, loin des débats sur la modernité et la portée d'une telle esthétique.

"Blanche Neige" restera à l'affiche de la Maison de la danse à Lyon jusqu'au 4 octobre, puis sera présenté au Théâtre national de Chaillot à Paris (10-25 octobre).
Le spectacle sera ensuite donné, au cours d'une tournée impressionnante en ces temps de crise de la diffusion chorégraphique, dans près d'une vingtaine de villes de France mais aussi en Allemagne, Espagne, Italie, au Portugal, Canada, Brésil ainsi qu'aux Etats-Unis.

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