Agnès Varda et le Facteur Cheval, une rencontre… pas si incongrue

Culture | Publié le 25/10/2021 08:00:23
Comme tout paradis, le Palais idéal se mérite et demande un effort pour y parvenir. Après une route sinueuse à travers une campagne vallonnée, à 45 minutes de Valence, 1 heure de Lyon ou 1 heure de Valence, le visiteur arrive à Hauterives. Au cœur de ce joli village de la Drôme, une construction surprenante, intrigante l’attend. Le Palais idéal du facteur Cheval, un monument incroyable construit pierre par pierre, coquillage par coquillage par le désormais célèbre Ferdinand Cheval de 1879 à 1912.

Si au premier abord, on peut voir un bâtiment de bric et de broc, en fait il n’en est rien. Il a été pensé et chaque adjonction au fil des ans transmet une vision du monde du facteur Cheval qui lui n’a pas voyagé… sauf au gré de son imagination et à travers les magazines de l’époque. C’est peut-être là que débute la correspondance entre l’œuvre d’Agnès Varda et celle du Facteur Cheval, l’attention portée à chaque détail, le regard posé sur chaque pierre, qui plus est l’artiste plasticienne a accordé un place privilégiée aux facteurs-postiers qu’elle décrit comme « les complices du destin » dans son œuvre photographique et documentaire.

Palais Idéal du facteur Cheval

Des photographies inédites signées Agnès Varda

Car de ce lieu incroyable, classé monument historique en 1969 par le ministre de la Culture de l’époque André Malraux, unique exemple d’architecture d’art naïf au monde, la ville d’Hauterives a construit autour un pôle artistique. On vient certes pour voir le Palais idéal, mais pas seulement. Depuis l’arrivée en 2019 du directeur Frédéric Legros, qui a travaillé avant à la Monnaie de Paris ou la Villa Medicis à Rome par exemple, le Palais idéal prend une nouvelle impulsion tournée vers l’art contemporain pour en faire un lieu de rencontres, où rassembler les gens, où générer des collaborations. Dans le musée attenant construit pour exposer documents et témoignages autour de ce bâtiment atypique, inédit, original, Frédéric Legros a décidé de monter des expositions temporaires qui rappellent cette idée d’ouverture et de découverte initiées par le facteur Cheval, qui dès le début de la construction de son ouvrage dans son potager, a eu à cœur de le faire visiter. Après le succès de l’exposition  “Agnès Varda Correspondances” (148 000 visiteurs) qui mettait en valeur la question de la correspondance et notamment la figure du facteur (dont bien sûr celle du facteur Cheval) au sein de l’œuvre d’Agnès Varda, le deuxième volet de cette trilogie consacrée à l’artiste, visible jusqu’au 3 avril 2022, a été récemment dévoilée : “Architextures et perspectives”. Il s’agit cette fois d’explorer les liens tissés dans son œuvre avec l’architecture et de le mettre en perspective.
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A voir donc, des photographies inédites dont celle de La Terrasse du Corbusier prise en 1956 lors d’un reportage à Marseille, un instantané pris en un seul clac selon Agnès Varda qui rapporte « Je me suis souvent demandé qui étaient ces gens et ce qui s’était passé avant cet instant, et après. » Puis la salle met en avant des photos prises en Italie, au Portugal, à Avignon, mais aussi au Palais idéal du facteur Cheval, lieu où Agnès Varda s’est rendu de nombreuses fois au cours de sa vie… Le tout est graphique, dépouillé, souvent des lieux abandonnés dont une “texture” prend alors toute la place. Et puis il y a aussi les “cabanes” d’Agnès Varda, chacune construite à partir des bobines de film 8 mm, fabriquées en 2017. On en admire ici quatre ; celle de la Serre du Bonheur (film de 1964) avec des tournesols, celle de Sans Toit ni Loi (film de 1985) en forme de tente avec un lit de camp et un petit sac à dos et la plus spectaculaire, La Pointe Courte, qui prend la forme d’une coque d’un bateau échouée, en raccord avec l’un des passages de ce film tourné en 1954. Autre temps fort de ce parcours, les projections, dans la première salle, d’Architextures pour lequel Julia Fabry, collaboratrice d’Agnès Varda et commissaire de cette trilogie, a rassemblé des extraits de films, dans la seconde, de Les Dites Cariatides, court-métrage documentaire de 13 minutes tourné en 1984. Ainsi, s’achève ce deuxième volet. Le troisième et dernier chapitre se tiendra lors de l’été 2023 au château d’Hauterives où seront rassemblées les installations grandeur nature d’Agnès Varda. Et fermera avec panache cette trilogie dont le projet a débuté avec l’artiste qui nous a quittés en 2019 avant de voir l’aboutissement et la réalisation de ces trois expositions.

Agnès Varda. Architextures et perspectives

Infos pratiques :
“Agnès Varda. Architextures et perspectives” jusqu’au 3 avril 2022.
Palais idéal du facteur Cheval. 8, rue du Palais, 26390 Hauterives.
Tarifs : 9 euros adulte / 5 euros enfant de 6 à 16 ans
Ouvert tous les jours. Site officiel : www.facteurcheval.com

 

Par D.M
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