Degas à Orsay : entre réalité et fantasmagorie, bienvenue dans les coulisses de l’Opéra

Culture | Publié le 26/11/2019 09:12:13
Degas et l’Opéra, c’est une romance illustrée qui commence dès 1860 et perdurera au delà de 1900. L’exposition Degas à L’Opéra, organisée par les musées d’Orsay et de l’Orangerie, Paris et la National Gallery of Art, Washington DC, est une invitation dans l’histoire des œuvres d’Edgar Degas, ce passionné des mystères de l’Opéra. On se faufile derrière son épaule dans les coulisses afin d’en comprendre toute sa richesse…

Le manque d’Opéra est une souffrance véritable

Photo en haut : Edgar Degas (1834-1917), L’Orchestre de l’Opéra, vers 1870 Huile sur toile, 56,5 x 46 cm, Paris, musée d’Orsay RF 2417 Photo © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Edgar Degas a baigné dans la musique dès son plus jeune âge. Les soirées organisées par son père dans les années 1860 réunissant les amateurs de musique ancienne nourriront l‘imaginaire de l’artiste dès ses débuts. Rapidement, tout va s’enchainer et son destin à l’Opéra se dessiner. Le portrait du bassoniste Désiré Dihau de l’Opéra Le Peletier, L’Orchestre de L’Opéra, en 1870 mettra la lumière sur son talent. Le portrait de la danseuse Eugénie Fiocre magistrale dans le ballet La Source le propulsera définitivement à l’Opéra.
L’exposition Degas à L’Opéra nous présente cette institution sous toutes ses coutures, à travers le regard fantaisiste de l’artiste. On assiste à une analyse de l’espace et de tous ses recoins, une étude des comportements de tous ses protagonistes sous la lumière, dans les coulisses ou dans l’ombre (danseuses, spectateurs, musiciens, fidèles abonnés), une expérimentation infinie de diverses techniques de cadrages, de contraste d’éclairages, une étude pointilleuse du mouvement … Une exposition riche en détails et en illustration qui retient notre attention tout au long du parcours.
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On voit comme on veut voir ; c’est faux ; cette fausseté constitue l’art

La rétrospective des techniques utilisées par l’artiste est impressionnante. Degas s’essayera aux exercices de précision dans les années 1870 puis se penchera sur le pastel en le travaillant par strates et le fusain à « gros traits » dans les années 1890 et 1900. Il s’essayera également à la photographie, à l’estampe, à la sculpture. Ses négatifs sur verre en couleurs sont captivants. Aucune technique n’est laissée pour compte pour représenter cet univers qu’il aime tant. Degas est un visionnaire. Il ne se contente pas de représenter une réalité pure d’un spectacle auquel il aurait assisté, mais une idée qu’il s’approprie et interprète pour en faire un chef d’œuvre magistral. D’ailleurs, les noms de ses œuvres sont plutôt génériques (ballet, choristes, danseuses). Seul le Ballet Robert le Diable est clairement identifié. L’Opéra dans sa globalité est un terrain de jeu qui va alimenter sa créativité. Le répertoire de ses inspirations est un puits sans fin. Les supports pour créer peuvent aussi bien être des peintures grand format, des sculptures que des éventails. On se laisse porter comme les accords qui défilent sur une partition de musique.

Eventail, Le Ballet (1879), gouache sur soie

Eventail, Le Ballet (1879), gouache sur soie
Paris, Musée d’Orsay

Etude de danseuse le bras tendu

Edgar Degas (1834-1917)
Etude de danseuse le bras tendu, 1895-96 négatif sur verre en couleurs
49,5 x 40,5 cm
Bibliothèque nationale de France, Paris © photo Bnf

Trop longtemps associé qu’aux danseuses et à la danse, son sujet de prédilection, la richesse de ses œuvres se révèle être luxuriante et cette exposition replace Degas au centre de son art dans sa globalité. Nous sommes enchantés de vous connaître Monsieur Edgar Degas ! Votre façon de jouer avec les éclairages de la scène et les zones d’ombre est fascinante. Cette « orgie de couleurs » marquant vos dernières œuvres est flamboyante. Votre variation des points de vue nous glisse dans l’intimité des protagonistes de vos œuvres. 
L’Opéra est une véritable « boîte à outil », un laboratoire, qui permet à Degas de faire une analyse sociétale du XIXe siècle. La profondeur de ses œuvres révèle des sujets sensibles (comme les différents entre les défenseurs de Wagner et ceux attachés au Grand Opéra), plus qu’une représentation de l’esthétique simple des corps ou d’un lieu.

 

La Loge

Edgar Degas (1834-1917)
La Loge, 1885
Pastel sur papier (59.5 x 44.1 cm)
The Armand Hammer Collection, Don de The Armand Hammer Foundation. Hammer Museum, Los Angeles
© Hammer Museum, Los Angeles

Parmi les pépites de l’exposition Degas à L’Opéra, on reste interdit face à la sculpture de la Petite danseuse de quatorze ans vêtue d’accessoires véritables, d’un réalisme déroutant. Il s’agit de son premier monotype avec Ludovic Lepic (un habitué de L’Opéra) qui révolutionnera l’art de la sculpture. Présentée à l’exposition impressionniste de 1881, elle a suscité de vives critiques du fait de son allure nonchalante, vicieuse si antagonique à l’image gracieuse des ballerines que l’on se fait. Une idée préconçue dans l’esprit bourgeois qu’il s’attachera à démythifier à travers ses œuvres. L’Opéra fait rêver, semble si parfait, mais Degas nous dévoile au grand jour la réalité des coulisses et de la société. 

Petite danseuse de 14 ans

Petite danseuse de 14 ans entre 1921 et 1931, modèle entre 1865 et 1881
Statue en bronze avec patine aux diverses colorations, tutu en tulle, ruban de satin rose dans les cheveux, socle en bois, H. 98 ; L. 35,2 ; P. 24,5 cm
Paris, musée d'Orsay
Photo © RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / René-Gabriel Ojeda

Surplombant l’exposition, la grande reproduction maquette du Nouvel Opéra de Paris, l’actuel Opéra Garnier, nous laisse sans voix. Une partie de l’exposition qui nous permet de nous pencher sur la genèse de ce lieu majestueux et emprunt de mystères. C’est également l’occasion d’en apprendre plus sur l’intimité de l’artiste à travers ses goûts musicaux, ses relations avec les compositeurs, les directeurs, les danseurs, les chanteurs, les abonnés, mais aussi ses premiers carnets noircis de notes et d’anecdotes. La réalité est sublimée par son imaginaire lorsqu’il rentre dans son atelier. Une magnifique exposition pour célébrer le 350e anniversaire de L’Opéra de Paris.

Infos pratiques :
Degas à L’Opéra 
Musée d’Orsay
24 septembre 2019 – 19 janvier 2020
Organisée par les musées d’Orsay et de l’Orangerie, Paris et la National Gallery of Art (Washington DC). Avec le concours exceptionnel de la Bibliothèque nationale de France
Billet plein tarif : 14 euros
Billet tarif réduit : 11 euros
Adresse : 1, rue de la Légion d'Honneur, 75007 Paris

 

Par C.D
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