Expo : un Cameroun inédit à voir au Musée du Quai Branly
Culture | Publié le 06/04/2022 08:50:18
Avec l'exposition "Sur la route des chefferies du Cameroun. Du visible à l’invisible" le musée du quai Branly–Jacques Chirac nous invite à découvrir un Cameroun culturel et historique, passionnant et captivant au cœur des traditions africaines souvent méconnues. Nous français que savons-nous du Cameroun ? Assez peu à vrai dire. On a bien en tête quelques personnalités sportives et culturelles, de Yannick Noah en passant par les footballeurs Roger Milla et Samuel Eto'o, ou bien encore le regretté saxophoniste Manu Dibango, des écrivains comme Calixthe Beyala ou Francis Bebey. On sait aussi que ce pays d'Afrique Noire est en partie francophone qu'il se situe dans le Golfe de Guinée et que ses grandes villes sont Yaoundé et Douala. Quoi d'autres ? C'est probablement à peu près tout. On en sait pas beaucoup sur son histoire et ses traditions. L'exposition "Sur la route des chefferies du Cameroun. Du visible à l’invisible" est l'occasion pour les parisiens et touristes d'en découvrir beaucoup plus sur ce pays et plus particulièrement sur l’art des communautés établies sur les hauts plateaux des Grassfields, à l’Ouest et au Nord-Ouest du Cameroun.
La chefferie au cœur des traditions
Le Cameroun est un grand pays qui regroupe beaucoup d'ethnies (280 aujourd'hui) et de traditions issues d'une riche histoire notamment pré-coloniales. Les langues officielles sont le français et l'anglais pour un pays qui compte une multitude de langues locales. En effet ce pays d'Afrique centrale comptait de nombreux royaumes structurés à des ethnies nomades. Un territoire qui a été transformé par la colonisation allemande puis par les protectorats britanniques et français mais qui a su malgré tout conservé son histoire, son passé et ses riches traditions notamment à l’Ouest et au Nord-Ouest du Cameroun. Sur tout le territoire, les chefs traditionnels ont encore de nos jours un vrai pouvoir local. Les législations actuelles s'appuient sur le droit coutumier qui permet aux Camerounais de maintenir leurs cultures originelles. C'est dire si les traditions ont une place centrale même dans le quotidien. Des traditions qui se transmettent de génération en génération. Parmi ces ethnies on trouve Les Bamilékés un peuple d'Afrique centrale, vivant dans la région de l'Ouest du Cameroun au « Pays bamiléké », une vaste région de savane des hauts plateaux volcaniques du Grassland. Un peuple qui a de nombreuses coutumes, leur vie entière étant régulée par les ancêtres (morts) et par les rois. Ces derniers se font appeler Fo, il est celui que chaque enfant Bamileké écoute et respecte éperdument d'abord par son statut et par son pouvoir, la couronne se transmet de père en fils. Le Fo est à la tête d'une chefferie. Le Ndop est le tissu qui représente les Bamileké d'un bleu extraordinaire mais cette couleur est réservée à quelques uns seulement.
Dans une perspective inédite portée par l’association La Route des Chefferies, cette exposition au Musée du Quai Branly aborde la culture des communautés et la préservation d’un patrimoine unique, historique et vivant. Pour la première fois en France le visiteur a accès à des éléments assez incroyables : architecture monumentale, forge, créations perlées, sculpture sur bois, production textile, danses traditionnelles, tout un patrimoine précieusement conservé par les chefs traditionnels. Tout un monde qui fait le lien entre le monde des ancêtres et celui des vivants.
On peut ainsi découvrir plus de 270 œuvres dont 230 conservées par plusieurs chefs et lignages familiaux. Sur la route des chefferies du Cameroun est une exposition unique avec un angle nouveau puisqu'elle aborde la culture des communautés dans une perspective inédite et immersive, une démarche collective de préservation des patrimoines traditionnels. Ponctuée d’œuvres d’artistes contemporains camerounais, elle met en valeur l’influence culturelle des chefferies sur l’art contemporain et la dimension vivante de ce patrimoine, le long d’un parcours conçu comme une plongée au cœur de la société bamiléké.
On vous recommande également ces sujets :
Du charme avec la collection Eyewear by David Beckham
Chiara Ferragni va lancer une ligne de parfums
Une montre Police pour célébrer The Batman
Un art et une culture d'une très grande richesse
Depuis la fin des années 1960, l’État camerounais reconnaît aux chefferies le statut d’auxiliaire administratif. Aujourd’hui, l’association La Route des Chefferies œuvre pour protéger et valoriser ce patrimoine historique et vivant. La première partie de l’exposition illustre l’organisation typique d’une chefferie bamiléké dont les fondements reposent sur un système dans lequel politique, religion et organisation sociale sont intrinsèquement liées. La vie d'un Bamileké est rythmée de sa naissance à sa mort par les croyances et rituels (obligatoires, et attention à celui qui passera outre). Dites-vous que chez le Bamileké les morts deviennent ancêtres au bout de 5 à 10 ans. Comment ça se passe ? Prenons l'exemple de l'un de vos proches qui meurt, chez les Bamilekés on l'enterre normalement en faisant un deuil de trois jours. Après quelques années (5 ans minimum), le temps que le corps se décompose, la famille déterre le défunt et récupère son crâne. Après une cérémonie grandiose qu'on appelle "Funérailles" où toute la population locale est conviée pour festoyer pendant 3 jours, le défunt devient alors ancêtre. Que fait le Bamileké de ce crâne ? Dans chaque concession d'une famille Bamileké vous avez une petite maison construite pour exposer les crânes des ancêtres, le nouveau défunt y trouvera sa place à côté des autres ancêtres, bien entendu visible de tous et toutes. Chaque enfant de la concession peut désormais parler à son ancêtre de tout et de rien, lui donner à manger et à boire... Pour les Bamileké c'est un être qui est maintenant bien" vivant " c'est très spirituel et intensément prenant comme croyance.
Mais au-delà de toute tradition "religieuse" c'est tout un art de vivre qui dicte le comportement des Bamilekés. L’organisation spatiale d’une chefferie ainsi que les savoir-faire importants de la société bamiléké, parmi lesquels l’art de la forge, l’art des calebasses et celui des fresques ouvrent le parcours de cette exposition.
La deuxième section éclaire les rapports entre art et pouvoir, à travers la présentation du rôle du chef, pilier social, économique et politique du royaume, du rôle des femmes, et de celui des multiples sociétés secrètes qui agissent comme un contre-pouvoir. Le pouvoir du chef bamiléké reconnu par l'Etat est aujourd’hui dévolu principalement aux affaires traditionnelles (litiges matrimoniaux, héritages, sorcellerie) et à un rôle de maintien de l’ordre public. Cette section comprend plus d’une dizaine de trônes où quatre chefferies sont mises à l’honneur successivement. On peut notamment découvrir des broderies de perles colorées et de cauris qui sont réalisées par des femmes de la chefferie. Aujourd’hui, certaines artistes contemporaines s’inspirent des techniques traditionnelles pour leur donner une autre dimension.
La troisième partie de l’exposition évoque les sociétés secrètes (confréries, corps de métiers, associations de classes d’âges...). Considérées comme des contrepouvoirs, ces congrégations conseillent, soutiennent ou contrôlent le chef et sont indispensables à l’équilibre de la communauté. Lors des grandes cérémonies, elles manifestent publiquement leur puissance toujours active. Le parcours de l'exposition se termine sur un espace immersif qui fait dialoguer des images d’archives et contemporaines de cérémonies où les costumes, coiffes, masques entrent en action par le biais de danses patrimoniales. L’exposition est ponctuée d’œuvres d’artistes contemporains camerounais qui illustrent l’influence culturelle des chefferies, autant que le rayonnement de la création africaine sur la scène artistique internationale. Une magnifique exposition qui offre un nouvel éclairage sur la culture du Cameroun, sur ses traditions qui peuvent nous sembler lointaines et qui sont pourtant d'une richesse incroyable. Sur 800 m² de décors créés par des artisans du Cameroun on découvre 270 objets dont 230 en provenance du Cameroun et de 25 chefferies. L'occasion également de voir le travail de 6 artistes contemporains : Catherine Bella, Banana Fashion, Hervé Youmbi, Franck Kemkeng Noah, Beya Gille Gacha, Hervé Yamguen. Tout simplement incontournable.
Infos pratiques :
Du 5 avril au 17 juillet 2022 - Galerie Jardin - Musée du quai Branly–Jacques Chirac
37 quai Branly 75007 Paris - T. 01 56 61 70 00
Horaires d’ouverture du musée :
Mardi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche de 10h30 à 19h. Nocturne le jeudi jusqu’à 22h.
Fermeture hebdomadaire le lundi, sauf durant les vacances scolaires d’avril/mai, toutes zones confondues.
Tarifs : Billet d'entrée Musée
Plein tarif : 12,00 euros
Tarif réduit : 9,00 euros
Par MJK
Vous avez aimé cet article ? Partagez le :