Interview Chantal Thomass : une femme de valeurs
Mode | Publié le 15/12/2014 14:43:51
Tout comme un certain Karl Lagerfeld on reconnaît la créatrice Chantal Thomass dès qu'on la voit. Un style unique qui font d'elle une femme qui compte dans le monde de la mode. Mais Chantal Thomass c'est avant tout un parcours professionnel unique. Aujourd'hui elle est reconnue du grand public qui voit en elle la papesse des dessous chics. Pour Noël elle est l’invitée de Tati pour qui elle a imaginé sa liste au Père-Noël ! L'occasion était belle pour rencontrer Chantal Thomass qui s'est confiée à votre magazine en cette fin d'année.
Quand une enseigne populaire rencontre le glamour
Pourquoi avoir accepté cette collaboration avec Tati ?
Parce que c’est une enseigne mythique que je connais depuis l’enfance et en plus c’était pour un moment particulier. A l’occasion de Noël et des fêtes de fin d’année. Le Noël de Chantal Thomass. Cela m’offrait beaucoup de liberté, j’ai fait ce que j’avais envie de faire. Il y avait des indispensables comme les bougies parfumées les boites mais après j’étais très libre. C’est ainsi que j’ai eu envie de faire un petit cahier, un paravent, des petits poufs … En fait je pouvais toucher à tous ce que j’aime. Aussi bien de la papeterie que de la déco un peu de vêtement … C’était très amusant et intéressant à faire. Je trouvais bien aussi en cette période un peu tristounette en France de faire des choses de qualité à un prix abordable.
Que représente pour vous Tati ?
Tati ça représente une enseigne très bon marché et je pense même qu’ils ont été dans les premiers à faire ce que l’on appelle aujourd’hui le low coast. Tati ça a toujours existé. Je me souviens quand j’avais 15/16 ans que j’étais fan de mode mais que je n’avais pas les moyens, j’allais chez Tati et je m’amusais à transformer les vêtements. J’étais bonne cliente.
Comment avez-vous abordé cette collaboration inédite ?
Comme d’habitude. Comme pour n’importe quel partenariat. En faisant ce que j’aime. En utilisant les codes de ma marque parce que c’est important, surtout pour une marque de grande distribution, les clients attendent cette identité. Quand on évoque Chantal Thomass, on attend de la dentelle, des nœuds, des rubans, des boites. Du glamour. Un style qu’on décline sur des boites de rangement, des trousses de toilette, même sur une nappe, des serviettes en papier … C’est simple j’ai tout acheté tellement c’est beau ! Mais vous savez il est très rare que je fasse quelque chose que je n’aime pas. Là en plus je pouvais me l’offrir car il est vrai que parfois pour certaine collaboration ce n’est pas possible. Je citerais en exemple un miroir pour Véronèse qui était à 80 000 euros …
Avez-vous eu des contraintes particulières ?
Beaucoup moins que ce que je pensais avoir. Je dirais même que je n’en ai pas eu car je suis tombé sur une équipe formidable qui comprenait très bien et qui était prête à s’investir pour réaliser tout ce que je demandais. La seule contrainte chez Tati c’était celle du prix bien évidemment. A part ça au niveau créatif j’ai été très libre. Peut-être certains objets auraient pu être d’une qualité supérieure mais cela devenait tout de suite beaucoup plus cher et ce n’était pas le but.
L’équipe a été formidable. Ils ont même pensé à ce pop up store à la Gare Saint Lazare. L’idée de ce manège existait depuis longtemps chez moi et là j’ai pu la développer avec Tati.
Chantal Thomas : " Mon inspiration je la trouve dans l’air du temps, à l’occasion de rencontres "
En 2017 vous allez fêter vos 50 ans de création, où trouvez-vous votre inspiration ?
50 ans ! Ouh la quelle horreur. Mon inspiration je la trouve dans l’air du temps, à l’occasion de rencontres. Cela peut-être des personnes mais aussi des films, des expos, je suis toujours très curieuse, je suis curieuse de tout. J’ai aussi accumulé énormément d’archives (en 50 ans !) et de magazines anciens. Mes maisons sont envahies de magazines et de livres de mode de toutes les époques. De temps en temps je feuillette et l’idée arrive même si parfois elle n’a rien à voir avec ce qu’il y a sur le papier, c’est juste un déclic créatif. J’avoue je n’ai pas trop de problèmes, tant que j’aurais l’envie et le désir de créer.
Vous n’avez pas peur de vous répéter ?
Non justement. D’ailleurs le retour des années 70 ou 80 ne me plait pas du tout car ce sont des périodes que j’ai connu, alors que j’adore travailler sur les années 20 ou 30. Non je ne veux pas revoir ces périodes, j’ai envie d’autres choses.
Avez-vous des regrets aujourd’hui ?
Oh la la. Oui et non. Je regrette par exemple de ne pas avoir continué le prêt à porter. C’était quand même plus excitant que la lingerie, dans la mesure où il y a les défilés. C’est une excitation c’est un truc qui manque. Je dirais que c’est ça qui me manque le plus, l’excitation des défiles. Parce que faire une belle collection c’est bien, mais quand on sait qu’il y a le défilé au bout c’est beaucoup plus stressant et donc beaucoup plus créatif. L’erreur qu’on a fait par contre c’est de proposer des looks complètement invendables alors que maintenant depuis l’arrivée du marketing dans la mode, il est très difficile de réitérer ce genre de choses.
Les grands noms de la mode des années 80 comme Lacroix, Gaultier, Mugler ont du mal à poursuivre, comment expliquez-vous cela ?
J’explique cela justement par le fait qu’on a travaillé autrement. On a travaillé dans la liberté totale de création, de plaisir de faire le défilé et d’originalité. Plus personne ne fait ce genre de chose. Il y avait une invention et une création qui n’existe plus aujourd’hui. Faut pas se leurrer, ce qui est fait aujourd’hui est joli mais ce n’est pas extravagant. C’est une redite de ce qui a été fait dans le passé, certes c’est moderne. Mais on ne peut pas dire que les défilés actuels, quand je vois les filles rigides sur les podiums les unes derrière les autres, je ne vous cache pas que je préférais les défiles de Claude Montana, Thierry Mugler, Kenzo, Jean-Paul Gaultier, où les filles souriaient et étaient heureuses. Surtout les vêtements étaient plus originaux. Depuis 15 ans on sent que le marketing est le roi. C’était une autre époque tout simplement.
Votre look, votre style, font partie de votre marque, n’avez-vous pas envie de tout changer ?
Pas du tout, pas du tout. Je me sens bien comme ça c’est tout. Tout changer ça voudrait dire me coiffer différemment, m’habiller autrement … Alors là je en sais pas ce que je ferais parce que même à la campagne je m’habille ainsi. Me maquiller différemment je ne sais pas. Le seul moment une je ne mets pas de rouge à lèvres c’est quand j’ai mes petits enfants pour pouvoir les embrasser. Finalement non je ne m’imagine pas autrement.
Que pensez-vous de la jeune génération de créateurs ?
Je pense qu’il y a des personnes très talentueuses. Je pense aussi que cela doit être très difficile de sortir du rang maintenant. Je pense qu’on a eu beaucoup de chance dans les années 70 avec Kenzo, Claude Montana, Jean-Charles de Castelbajac, parce que les gens avaient soifs de nouveautés et d’originalité. On a eu le temps de construire notre image. En dix quinze ans c’était fait. Ce n’est pas si facile quand on sort de l’école de savoir exactement où l’on veut aller. Alors que maintenant un jeune créateur il n’a plus le temps de construite son image. Il faut qu’il soit immédiatement « bankable » comme on dit. Donc j’imagine que c’est beaucoup plus dur, cela ne lui donne pas la chance de se trouver, moins en tout cas. Le jeune créateur doit rentrer dans un moule commercial très rapidement. C’est beaucoup moins facile mais il y en aura sans doute quelques-uns qui y arriveront.
Propos recueillis par Marie Joe Kenfack
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