Interview Christophe Guillarmé
JeunesCreateurs | Publié le 22/01/2007 17:05:13
Christophe GUILLARMÉ est un jeune créateur de 28 ans. Diplômé de l'École Supérieure des Arts Appliqués, Christophe réalise un parcours initiatique réussi chez J.C. de CASTELBAJAC, Dice KAYEK et Stella CADENTE. En 1998, Christophe signe sa première collection qui rencontre un succès immédiat. S'ensuit alors la création de sa société un an plus tard. Rencontre avec un créateur ô combien attachant.
Fashion-addict : Bonjour Christophe, pouvez-vous nous parler de vous et de votre travail ?
Christophe : Tout d'abord ça fait déjà trois saisons que j'ai intégré le calendrier off de la Chambre Syndicale dans le Prêt-à-Porter, le dernier défilé était donc le lundi 1er octobre à l'hôtel Bristol. A cette occasion j'ai fait défiler 44 passages, c'était Mia Frye qui faisait la scénographie du défilé et donc elle nous a fait un déferlement d'amazones, colorées avec beaucoup d'imprimés, d’impressions sur de la soie qui sont un peu le b-a-ba de mon travail et donc beaucoup de matières luxuriantes, de soies rebrodées, d'imprimés dévorés, beaucoup de richesses que j'ai essayé d'amener dans cette collection d'été 2007 que j'avais appelé "Toxic Flowers".
Fashion-addict : Vous aviez fait l'école des Beaux-Arts Appliqués, ça veut donc dire que vous avez toujours baigné dans la mode ?
Christophe : En fait ce qui est intéressant avec cette école c'est quelle est public et qu'il n'y a pas de droits d'entrée à verser pour pouvoir réaliser ces études. Malgré la forte demande, j'ai eu la chance d'y entrer. Cette école m'a permis de développer énormément mon univers, j'ai pas vraiment appris la technique là-bas mais plutôt lors d'expériences professionnelles avec des créateurs déjà reconnus. J’ai plutôt développé mon univers et ma sensibilité, mon travail autour des matières plus floues. J'ai appris à savoir ce qu'est une tendance, savoir l'analyser et reproposer quelque chose qui est plus personnel.
Fashion-addict : Après vous avez travaillé avec Jean-Charles de Castelbajac, qu'on apprécie énormément chez fashions-addict, pouvez-vous nous en dire plus ?
Christophe : En fait avec M. de Castelbajac (...) j'ai plus travaillé au service communication et relation presse. Mais c'est vrai que j'ai appris beaucoup car c'est un univers très emblématique avec des codes très forts (...) un univers très jalonné avec des points de repères qui créent son essence et sa personnalité de créateur, ça m'a vraiment inspiré. J'ai aussi travaillé sur ses archives, j'ai pu voir ainsi comment il avait fait évoluer son travail. J'ai vu aussi tout le travail assez fort au niveau de la communication, il a souvent des mots clés et une typographie qu'il utilise au moment de ces défilés. J'ai découvert ainsi toute l'importance de la communication et des médias (....).
Fashion-addict : Si nous comprenons bien la personne elle-même ainsi que son travail vous ont beaucoup marqué...
Christophe : En fait c'est un personnage extrêmement attachant. Travaillant à ces cotés il m'avait surpris car il avait le coté angoissé du créateur mais dans le bons sens du terme. Il vivait des moments de doute, on sentait qu'il essayait de vous transmettre des choses, il était à fleur de peau. Alors que moi je ne suis pas du tout comme ça, je suis plutôt quelqu'un de calme. C'est vrai aussi qu'il avait d'énormes responsabilités que je n'ai pas encore, peut-être un jour... Ce rapport avec le créateur était assez privilégié, il montrait tout son coté fragile et cela m'a beaucoup touché en tant que personnage.
Fashion-addict : Aujourd'hui vous en êtes déjà à votre 16ème saisons, cela semble incroyable ?
Christophe : C'est vrai qu'en fait j'ai eu un parcours qui était d'abord centralisé, avant de communiquer, j'étais plus sur le commercial. J’ai en premier mis en place un réseau de distribution. Ainsi maintenant quand je fais un défilé, ce n'est pas un défilé pour faire un défilé et derrière il n'y a pas de clientes. J'aime bien que mon travail une fois qu'on l'a présenté lors des défilés, il rejoigne un réseau de fabrication et ensuite on le distribue dans un maximum de points de vente autour de la planète et c'est vrai que pour moi c'est là qu'il existe vraiment (....). J'aime que mes créations soient portées, qu'elles soient vues sur des femmes qui ne font pas forcément du 36 (.....). J'aime que chaque femme apporte sa propre personnalité aux vêtements (...).
Fashion-addict : Nous avons vu que vous avez collaboré avec Mia Frye, pouvez-vous nous raconter cette rencontre ?
Christophe :C'est vrai que Mia c'est une belle rencontre, c'est quelqu'un qui a commencé comme styliste à la base, et venait faire des shopping pour elle. Elle a aimé mon travail. Mia est quelqu'un qui aime les choses assez fortes et qui ont de la personnalité car elle-même en a beaucoup (....). Pour moi c'est presque devenu une ambassadrice de mon travail. Elle s'approprie complètement le vêtement, elle le fait vivre, vibrer, elle lui amène complètement autre chose. Et le fait qu'elle soit une personnalité black c'est très important pour moi. Les personnes de couleur s'approprient très facilement mes vêtements, il y a une attitude très 'pushy' qui correspond exactement à mon travail. Il y a une personnalité qui pour moi est mon idéal et que je rêve un jour d'habiller c'est Halle Berry. Pourquoi ? Parce que pour moi c'est LA femme, elle est sauvage, elle est sexy et en même temps elle a une classe exceptionnelle. Je pense que seules les femmes black peuvent avoir cette classe là. Elle est sauvage et à la fois ultra raffinée et tout ce qu'elle porte devient incroyable (....).
Fashion-addict : Nous avons assisté à votre dernier défilé et quand on voit vos créations on se demande comment vous vient une telle inspiration ?
Christophe : C'est vrai que mon travail est très personnel, j'aime les choses très très forte, je ne suis pas quelqu'un qui va être dans le basique. J'aime que les femmes soient à l'aise et que mes créations les mettent en valeur et que lorsqu'on les voit, ça claque. C'est vrai que j'ai pas mal de rapports privilégiés avec des personnalités, des artistes, c'est des gens qui m'apportent un peu le coté « show off ». Elles ont peur de rien donc moi non plus je n'ai peur de rien car elles m'apportent leur force, leur envie d'être incroyable pour un soir ou pour un événement. J'essaye de donner des moments rares. C'est vrai que du coup ça me pousse dans mes retranchements au niveau créativité. J'essaye d'allier un maximum de choses, les impressions, la broderie, les tissus rares, des imprimés avec des nombres de couleur absolument incroyables. Des techniques d'impressions qui sont aussi bien le dévoré que le flocage, des choses qui permettent de faire vibrer complètement le vêtement et qui font que lorsque la personne porte la pièce on puisse se dire : mais qu'est-ce qui se passe ? Ça bouge, combien y'a de tissus, en même temps y'a des transparences etc. (.....)
Fashion-addict : On peut dire que vous aimez les femmes ?
Christophe : Ah oui, complètement, c'est vraiment une histoire d'amour. J'essaye que la féminité soit à son maximum. Pour moi, la femme quand elle s’habille chez moi, elle est à fond. Ce n’est pas à demi mesure, elle va jouer le jeu (...).
Fashion-addict : Aujourd'hui vous êtes exporté partout dans le monde, vos impressions ? Vous êtes fier de cela ?
Christophe : C'est vrai que pour moi, comme je le disais, ça passait par une distribution. C'est vrai que ça fait plaisir de se dire que des gens qui ont des morphologies complètement différentes peuvent porter vos créations. Et quand on est distribué dans le monde entier il faut bien se dire que les morphologies varient d'un pays à l'autre. Maintenant je suis aussi bien distribué aux Etats-Unis qu'au Moyen-Orient, qu'au Japon et même maintenant en Russie, on est donc obligé d'intégrer ces données dans chaque collection afin qu'il y ait des pièces accessibles pour chacun de ces pays. C'est absolument formidable et en même temps il faut être au courant de tout ce qui se passe sur tous les marchés, ça c'est génial aussi.
Fashion-addict : Et la femme française alors ?
Christophe : Alors chez moi c'est surtout la femme parisienne et aussi un peu la femme de la cote d'azur car c'est des femmes un peu italiennes, sexy et qui ont pas peur et après le reste c'est vrai que c'est assez confidentiel mais on y travaille.
Fashion-addict : Des projets de boutique ?
Christophe : Dans l'immédiat et à moyen court terme ce n'est pas dans mes projets, plutôt dans le long terme et ça serait un show room qui servirait aussi d'espace de vente sur mesure pour pouvoir un jour intégrer le calendrier de la haute-couture puisque j'ai été pas mal démarché par la fédération dans ce sens là.. (.....).
Fashion-addict : En conclusion, comment vous qualifieriez-vous ?
Christophe : Pour me qualifier, je dirais que je suis Glam et Rock'n'roll. Voilà un peu les deux mots d'ordre que j'essaye de mettre en action à chaque collection. Le coté glamour et féminin et en même temps une petite pointe de rock'n'roll, de 'pushy' avec les couleurs et le mélange de matières
A noter que Christophe Guillarmé sera très présent à Cannes en mai lors du Festival, alors surveillez bien les marches.
Interview réalisée par MJK
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