Vous avez dit luxe ? Dans une conjoncture économique instable et avec un pouvoir d’achat en baisse, le luxe déclenche toujours autant d’émotions : entre le rêve et la controverse. Un sens premier où la rareté en fixe le prix, le luxe se caractérise ainsi. Enjeu sociologique depuis la nuit des temps, il met en perspective la répartition des richesses qui fonde aujourd’hui notre société.Focus sur ce que sont les clients du luxe aujourd’hui…Une clientèle à deux vitesses s’appropriant à leur manière, un concept qui se veut « inaccessible ».
Le luxe une conception très française
Le luxe est avant tout typiquement français. Un secteur économique de l’ordre de
100 milliards d’euros dans le monde où la France est en tête avec près de la moitié de la production. Mais attention, il ne faut pas se tromper ! Tout objet, bien ou service ne peut se prévaloir d’être luxueux parce qu’il est cher. D’autres paramètres sont essentiels comme le savoir-faire, l’utilisation de matériaux nobles, l’inspiration artistique, la légitimité de la marque par
son histoire, enfin il s’agit surtout d’une compréhension, d’une sensibilité à l’égard de ses clients.
Ainsi n’est pas « luxe » qui veut… A la fois intemporel et actuel, l’objet de luxe reflète la modernité de notre société tout en étant chargé d’histoire et de sens. Il s’agit d’un rapport entre l’objet et son utilisateur, un rapport intime et unique. Il est important aussi de prendre conscience qu’un produit se dit « de luxe » dès lors que celui-ci est
copié, afin d’être vendu au plus grand nombre : l’acquisition du rêve à tout prix ! L’objet devient symbole, la marque devient
emblématique.
D’un système de l’offre à
une économie de la demande
L’univers du luxe a subit de profonds bouleversements en passant d’un système de l’offre à une économie de la demande ; à un luxe aristocratique du 18ème siècle, à un luxe élitiste bourgeois au 19ème siècle pour enfin devenir celui que l’on connaît aujourd’hui, un luxe contemporain basé sur les notions de plaisir. Et
le marché va plutôt bien. On estime en effet en 2006 à 9,5 millions de clients potentiels, c'est-à-dire ceux qui ont plus d’un million de dollars en actifs (contre 8,7 millions en 2005) . Il s’agit d’une clientèle dite « exclusive », intemporelle, qui dispose d’un fort pouvoir d’achat, qui valorise avant tout la beauté de l’objet, l’excellence des produits et son authenticité. Une sorte « d’art de vivre » réservé à une élite.
Mais le luxe et sa part de rêve attire. Et la demande s’étant tellement accrue depuis le début du 20ème siècle, que les marques ont commencé à se diversifier pour répondre à une consommation de masse, à une consommation de marque. Parfums, cosmétiques, prêt-à-porter, co-branding avec de grandes enseignes type
H&M. Bref tout est fait pour répondre à une clientèle dite « occasionnelle », disposant d’un pouvoir d’achat plus faible mais cherchant à se valoriser par la marque. Une clientèle volatile, sautillant de phénomènes de mode en phénomènes de mode, qui consomme du « signe » pour mieux se signifier aux autres. Et les marques l’ont bien compris. En effet, le produit de luxe est un objet d’identification personnelle. L’acte d’achat et l’acquisition amène à un processus de valorisation sociale. Et ce processus de valorisation passe d’abord par un service client poussé à l’extrême : conseil de haute qualité avant l’achat, service après vente performant, existence de « club privilège »…, un arsenal permettant à la marque de tisser un lien fort.
Prendre soin du client
« Choyer son client » fait parti intrinsèquement de l’identité d’une marque de luxe. Mais avec l’arrivée des nouvelles technologies et d’Internet, la relation client et la fidélisation semble être quelque peu bouleversé. L’enquête réalisée par le Journal du Net en 2003 révèle, en effet, que l’attente est d’abord matérialiste et que l’on souhaite acheté par ce biais parce qu’on pense avoir la possibilité de bénéficier de tarifs préférentiels…. Parle t’on alors toujours de luxe, dans son sens premier ? Au-delà du tarif, c’est aussi le conseil qui est recherché. Selon une étude de Benchmark réalisée en février 2003 sur 799 internautes, près d’un tiers ont déjà fait une demande d’informations en ligne auprès d’une grande marque de luxe. Et moins de la moitié des sondés jugent satisfaisantes ou très satisfaisantes les réponses des sites ! Fatale pour une marque. L’impact d’une mauvaise relation client, même en ligne, peut s’avérer être désastreux pour l’image de la maison.
Sans notoriété la marque ne peut déclencher le rêve. Mais cette notoriété a un prix. Celui de l’exigence et de la recherche perpétuelle de la satisfaction client : qu’il soit très riche ou moins fortuné. Le prix aussi de rendre l’objet « inaccessible » et de déclencher un désir d’acquisition absolu. Ainsi, l’écart entre le nombre de personnes qui connaissent une marque et le nombre qui l’a porte, est un baromètre essentiel. Une marque de luxe n’a donc d’autre choix que de réduire sa distribution et de jouer la carte de l’exclusivité ?
Mais l’heure est à la diversification (parfum, maquillage, ….) et les marques jouent gros : Celui de perdre le fantasme qu’elles suscitent…
Par R. B
Pour aller plus loin : Luxe Oblige, Edition Eyrolles | Vincent Bastien et Jean-Noël Kapferer - 34 euros