Le téléphone portable, on en est tous accro
VoyagesEtLoisirs | Publié le 17/02/2014 17:34:38
Engager la conversation avec son voisin de train, de RER ou de métro relève des temps anciens. Les Parisiennes le savent bien. Coincées entre deux épaules ou bien assises, le règne de la promiscuité éloigne plus qu’il ne rapproche. Chacun vit dans sa bulle, casque vissé sur les oreilles. Portable en main. Ça joue, ça lit, ça regarde des films, ça converse avec ses amis. Ses amis oui, les virtuels, ceux que l’on ne verra sans doute jamais. Ces fameux copains Facebook, ces followers sur Twitter… Le matin les yeux rivés sur ces petits instruments rétro-éclairés, chacun ignore l’autre, celui dont il est en train d’écraser le pied, qu’il vient de bousculer : il ignore l’être de chair et d’os en face de lui, il est avec un autre. Anodin ? Pas totalement, cela change notre rapport à l’autre.
Un appareil qui a su se rendre indispensable en un temps record
Expérience. Avez-vous déjà demandé un renseignement à une jeune – ou non d’ailleurs, le phénomène gangrène toutes les tranches d’âge – personne ? Celle-ci lève les yeux vers vous, interloquée ? Vous vous dites, zut une étrangère, elle ne m’a pas compris ! Que nenni, tout d’un coup elle enlève une oreillette coincée au fond de son oreille. Elle ne vous a pas entendu, elle a juste vu des lèvres bouger. Plus drôle, votre voisin vous fixant demande, Alors ça va ? Surprise, vous vous étonnez, mais je ne le connais pas. Devant ce visage plutôt avenant, vous envisagez de répondre avec une pointe d’humour. Le temps de formuler votre réponse avec des mots choisis pour montrer dès ce premier contact la spiritualité de votre esprit, vous le voyez partir d’un grand rire. « Pas vrai, toi aussi, d’enfer la soirée ». Vous vous retournez, mais où donc est son interlocuteur et en plus il vous regarde toujours. Erreur, vous êtes transparente, le fil blanc qui pend devant lui est un micro, il parle à l’autre bout de la ville, du monde ou à quelqu’un dans le wagon d’à côté. Vous à qui il sourit, parle… vous n’existez pas dans son cortex. En se levant, il vous remarquera peut être si vous le gênez…Et pas un mot d’excuse (avec un peu de chance, un léger haussement de sourcil pour signifier qu’il s’est rendu compte que c’est votre pied qu’il piétine) il ne peut pas ; il a l’esprit ailleurs, occupé à vivre avec ceux qu’il ne voit pas et vous fait bruyamment profiter de sacyber existence.
Parfois, vous en savez plus sur l’inconnu qui partage votre banquette que sur votre amie de dix ans. L’intimité, la pudeur, la discrétion a volé en éclat. Tout le monde raconte sa vie devant tout le monde. Oui car vous en faite encore partie des rares à ne pas vivre une oreillette branchée en permanence ! Donc vous entendez sans l’avoir souhaité, à défaut de vouloir écouter, les misères, les joies, les peines, les soucis de parfait inconnus. Cela est parfois gênant d’entrer dans cette sphère de l’intime, l’autre oubliant totalement que 50 personnes découvrent ainsi sa vie privée. Sa vie privée ? Qu’est-ce réellement quand à chaque instant, on partage sur Instagram la photo de son dessert, sur Facebook les images de sa dernière soirée, on tweet la moindre de ses réflexions… On étale ses faits et gestes à des dizaines voire des centaines de comptes (parle-t-on encore de personnes) et on va piquer un scandale si la concierge ou la boulangère fait une allusion personnelle. Mais de quel droit se mêle- t-elle ?
Votre vie, vous n’en appréciez guère les instants tellement vous êtes pressée de la partager avec tous vos amis. 100, 200, 300 ? Quelle gestion du temps cela demande, quel stress induit… Il faut gérer les demandes d’amis, en refuser d’autres (comment expliquer à votre collègue de travail que vous lui avez dit non sur Facebook « mais enfin qu’est-ce que je t’ai fait, on mange ensemble le midi, tu m’aimes pas … ») alors que tout le bureau est « ami » avec vous ? Le saviez-vous au-delà de 300 amis, votre cerveau ne gère plus. Il élimine, bref un ami chasse l’autre… Enfin les amis virtuels. D’ailleurs en avez-vous encore des amis sur lesquels vous pouvez taper sur l’épaule ? En avez-vous encore le temps ? Au resto, le portable est posé sur la table juste à côté de l’assiette. « Tu comprends si on m’appelait » Toujours cette attente. Si je ratais un appel, un SMS, un tweet, un instagram…
L’autre n’est jamais totalement avec vous, de temps à autre il jette un regard sur ce petit objet rectangulaire. Ca ne bipe pas, zut il est hors circuit (pourtant, il y a en ce moment une soirée en cours et personne ne lui a encore envoyé un message pour dire comment c’était). Naïvement, vous faites la conversation quand tout à coup « Attends, je reviens, je réponds vite fait. » Vous n’aviez pas fait attention, tout en hochant la tête, parfois même en vous répondant, l’autre guettait le bip salvateur. Il/elle revient. Mais, vous n’avez plus envie. Incapable de vous consacrer son temps pendant tout un repas, qu’il/elle aille donc rejoindre sa communauté.
Cela prête à sourire ? Le burn out digital est en marche. La preuve, les laboratoires Vichy viennent de lancer la cure Digital Detox. Quatre jours pour apprendre – ré-apprendre – à fonctionner sans téléphone, alors vous c’est quand ?
Par D.M
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