Mamans solos : leurs joies, leurs peines, leurs doutes
VoyagesEtLoisirs | Publié le 15/10/2012 08:45:48
Elle a fait un bébé toute seule / Et elle court toute la journée / Elle court de décembre en été/ De la nourrice à la baby-sitter/ Des paquets de couches au biberon de quatre heures.
Ce tube de Jean-Jacques Goldman en 1987 est rarement un choix pour les mamans que nous avons rencontré.
Véronique et Caroline ont décidé à deux d'avoir des enfants, avec un conjoint qui, à l'époque, partageait leurs aspirations de fonder une famille et d'élever ensemble le fruit de leur amour. Elsa, elle, a conçu Valentin en passant par un donneur anonyme. Elle reçoit heureusement le soutien de sa famille et de ses amis pour sa démarche courageuse. A attendre la moitié qui ne venait pas, elle voyait les années filer. Son désir de porter un enfant a été le plus fort. Faisant fi des difficultés qui l'attendraient, elle s'est lancée. Toutes trois ont confié à votre magazine, leurs joies, leurs douleurs, leurs doutes.
Par D.M.
TEMOIGNAGES
Véronique, 2 enfants de 17 et 14 ans, séparée depuis 14 ans
Véronique vivait à Paris avec son compagnon et tous deux travaillaient ensemble comme graphistes indépendants. "Nos deux filles, Margot et Luna étaient désirées" se souvient Véronique, mais leur père est parti à la naissance de la deuxième.
Un choc, psychologique d'autant plus douloureux que la décision de rupture était unilatérale, mais aussi une situation matérielle périlleuse.Seule, avec un bébé et une petite fille de 2 ans et demi, Véronique prend la décision de se rapprocher de sa famille et de s'éloigner géographiquement.
Elle quitte Paris, retourne à Strasbourg et trouve un poste de salarié dans une agence de com'. "Il fallait très vite que j'assure un minimum de sécurité financière".
L'argent est souvent, un réel challenge pour les mères célibataires. "J'ai du me battre pour obtenir une pension alimentaire et un système de garde. Je tenais à ce que mes filles continuent à voir leur père."
Résultat : un versement de pension plus ou moins sporadique et depuis longtemps totalement inexistant, un rythme de garde peu respecté. "Margot et Luna ont vu leur père un mois l'été dernier, une semaine en février et un mois lors de ses dernières vacances estivales."
Une remarque qui revient comme un motto : le désengagement des pères. Certes, il n'est pas systématique, mais ceux présents et attentifs font plutôt partie de l'exception qui confirme la règle. "J'élève mes filles à 99 %, je subviens à leurs besoins à 90 %.
Je n'ai pas de repos et je dois composer constamment entre ma vie de femme, de mère -la gestion d'ados est encore une paire de manches ardue quand on est seule - et de professionnelle - je suis graphiste indépendante."
Pourtant pas de défaitisme chez Véronique qui se réjouit d'avoir deux ados bien dans leur peau. Et puis, glisse-t-elle malicieusement: "Comme au quotidien, il n'y a qu'un seul parent, il n'y a qu'un seul son de cloche." Et donc, une seule règle à suivre !
L'arrivée d'un nouvel amoureux s'est passé sans heurts particuliers. " Sans doute parce qu'il n'habite pas avec nous" analyse Véronique. Malgré les doutes, la solitude affective au début, la difficulté de devoir assumer seule l'autorité - et donc d'essayer de ne pas faillir -, Véronique a réussi à mener une vie riche, intéressante et proche de ses filles. Pourtant, elle reste toujours "furieuse de constater le déséquilibre notoire d'implication réelle entre la mère et le père
Caroline, un fils de 4 ans, séparée depuis 1 an et demi
Mon fils est ma bataille et j'en suis très fière" affirme Caroline. Cette séparation a été douloureuse pour elle qui entretenait un rapport très fort avec l'idée de famille. "Mes parents sont toujours ensemble après plus de 40 ans de mariage, avec des hauts et des bas. Je pense qu'aujourd'hui les couples ne font pas face aux difficultés de la vie comme avant. Ils fuient les problèmes, s'en débarrassent..."
Très vite Caroline a dû affronter des problèmes de garde, jongler entre crèche et nourrice. Et encore, elle a eu la chance de pouvoir compter sur les amies - tout particulièrement Julie, maman elle aussi de deux têtes blondes dont l'une est devenue la meilleure amie de Joshua - et surtout sa mère qui venait tous les deux mois d'Espagne garder son petit-fils pendant ses déplacements professionnels. Le plus grand traumatisme de cette période troublée: devoir quitter sous 15 jours l'appartement qu'ils partageaient à trois. "Ma meilleure amie nous a hébergé, mon fils et moi pendant 5 mois, le temps de dénicher un nouveau chez nous.
Une fois, son nid trouvé - une petite maison à deux pas de son amie Julie - Caroline se souvient de sa difficulté à gérer la solitude affective. "Je me sentais si seule, le soir, après avoir couché mon fils. Les angoisses m'assaillaient, je pleurais, des questions tournaient en boucle dans ma tête. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait."
Elle a connu tous les stades du deuil sentimental : la haine, la colère, l'incompréhension et parfois des bouffées d'amour. Des tas de sentiments qui venaient puis disparaissaient. Aujourd'hui, elle a retrouvé le chemin du bonheur. Un nouvel amour est entré dans sa vie. "Il a deux filles. Et nos enfants s'entendent bien." Le lien père-fils a été sauvegardé malgré la distance - ce dernier habite désormais dans le Sud de la France. Joshua adore son père qu'il voit pratiquement un week-end sur deux et lors des vacances scolaires. Comme pour Véronique, Caroline assure quasiment seule l'intendance au quotidien.
"Maman seule , je ne le conseillerai à personne", s'enflamme-t-elle. Son amertume est tarie, elle est prête au bonheur et, chaque jour, se félicite de voir Joshua " grandir comme un petit garçon facile à vivre et plein de vie."
Elsa, un fils de moins de 3 mois, mère célibataire par choix
Ce bébé, Elsa l'a attendu seule. Une décision mûrement réfléchie et jonchée d'embûches. Valentin a vu le jour grâce à un donneur de sperme. Une démarche encore peu fréquente chez les Françaises. Interdite en France pour les célibataires, Elsa a dû se rendre en Espagne pour voir aboutir son désir le plus cher : porter un enfant, devenir mère. Pendant plusieurs années, elle a gardé l'espoir malgré l'insuccès de ses premières FIV. Sa persévérance a eu raison des difficultés. Valentin est là et bien là. Un adorable bébé en pleine santé qui sourit au moindre mot de sa maman. "Ma grossesse je l'ai vécue avec bonheur. J'étais bien épaulée par ma propre mère, ma famille et mes amis. Le plus dur à assumer: le regard des autres, surtout au travail. Et la sempiternelle question du "Qui est le père?" Parfois posée avec sollicitude et compassion, ou avec une curiosité un brin malsaine..."
Pas question de compter sur une pension alimentaire, bien évidemment ! Pas un problème pour Elsa qui, dès le départ, savait qu'elle serait seule à assumer financièrement l'éducation de Valentin.
L'arrivée du bébé est arrivée de façon précoce, en plein déménagement. "Les cartons étaient à peine posés dans mon nouvel appartement, avec une chambre pour accueillir Valentin, que je partais à la maternité."
Heureusement à sa sortie, Elsa a pu s'installer chez sa mère. "Le plus délicat à gérer a été la fatigue physique, surtout que je tiens à allaiter mon bébé. A 47 ans, on récupère moins vite..." La vie commence à s'organiser. " Je continue à habiter avec ma mère pendant que j'aménage au fur et à mesure mon nouveau lieu. La chambre de Valentin est pratiquement finie. C'est le principal. Les piles de cartons diminuent de semaine en semaine. Je devrais être prête pour la reprise du travail." La garde de Valentin a été un parcours du combattant. Pas de place en crèche, malgré tous les conseils avisés "une mère célibataire, tu seras prioritaire", que nenni. "Je n'ai même pas réussi à m'inscrire sur les listes d'attente pour une hypothétique place en crèche." Finalement, tout s'est dénoué en une journée quand Elsa a rencontré une autre famille intéressée à partager la charge d'une nounou à domicile. "Ils habitent tout près de chez moi, ont deux enfants, dont une petite presque du même âge que Valentin. La nounou a 16 ans d'expérience et, en plus de sa compétence, semble vraiment aimer les enfants." Le grand saut aura lieu le 1er octobre. La première grande séparation.
Elsa voit le futur avec sérénité et philosophie. Les imprévus à gérer demeurent sa plus grande inquiétude, surtout avec son métier d'ingénieur commercial qui exige de nombreux déplacements. L'occasion de revoir ses valeurs de vie et de prioriser ses choix. Valentin est désormais en tête de liste.
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