Terres sacrées au Cameroun
VoyagesEtLoisirs | Publié le 29/02/2024 08:57:47
Il existe 1000 façons de découvrir un pays. Habitants, monuments, culture, patrimoine, histoire, croyance ... La liste des thèmes permettant d'explorer un territoire est infinie. Cet hiver votre magazine a découvert le Cameroun par le biais de ses Terres Sacrées, là où les croyances rencontrent la nature sauvage. Sur ces sols de terre rouge, parmi ces paysages verdoyants et vallonnés, l’Ouest Cameroun, pays des Bamilékés ou des Grassfields, deux appellations pour un peuple qui partage les mêmes convictions : le respect et les traditions liés aux ancêtres –, les lieux sacrés sont nombreux. Certains sont connus de Douala à Yaoundé et même hors les frontières comme Mamy Wata et Fovu, d’autres, moins célèbres, sont toujours prisés des locaux et d’autres encore semblent tombés en désuétude …
Un attachement aux ancêtres toujours aussi vivace
Certains jeunes comme Emmanuel, étudiant géographe à Yaoundé, milite pour répertorier ces lieux sacrés, les faire connaître voire reconnaître et leur redonner toute leur puissance émotionnelle. « Dans la région de Baham, il existe pas moins de 20 lieux sacrés, le plus célèbre et le plus spectaculaire est bien sûr celui de Fovu… Mais d’autres méritent le détour comme Toumsi où nombre de sacrifices ont toujours lieu. Certains sont désormais difficile d’accès et les habitants ont perdu l’habitude de s’y rendre et c’est bien dommage », déplore Emmanuel qui œuvre pour mettre au point une carte référençant tous ces sites. Un travail de longue haleine mais passionnant.
Dans le district de Fongo Toguo, à quelques kilomètres de Dschang, la chute de Mamy Wata (photo en haut et ci-dessous) reste toujours l’objet d’un culte assidu. Très régulièrement, des familles viennent s’y recueillir pour y accomplir des sacrifices à l’aide de sel, huile rouge, poulet… Le site vaut par la sérénité qui y règne et la jolie vue sur les vallons environnants. Sans être spectaculaires, les chutes de seulement 82 m de hauteur qui se précipitent dans une rivière sinueuse, au cœur d'une forêt sacrée qui selon différentes sources abriteraient des singes et des panthères, sont d’une grande beauté. On regrette juste de n’avoir pu apercevoir le moindre petit singe.
Mais qui est Mamy Wata ? Son nom serait issu du camfranglais Mère Water ou fée des eaux. De génération en génération, on raconte que Mamy Wata serait cette sirène vivant dans la chute et qui en sortirait de temps en temps pour séduire un homme et l'emporter ensuite dans les profondeurs et en faire son amant. D’ailleurs, Mamy Wata n’est pas vénérée uniquement au Cameroun. Avec quelques variantes de culte, Mamy Wata (ou Mami Wata, Mama Wata. Watramama) est la seule divinité africaine vénérée dans une zone géographique étendue qui rassemble des cultures et des peuples aussi divers que les Bamiléké du Cameroun et les Kongo, les Igbo du Nigeria, les Ewé du Bénin pour ne citer qu’eux. Reste que pour ceux qui auront l’opportunité de se rendre aux chutes de Mamy Wata, ils seront, à coup sûr, séduits par la sérénité des lieux et enchantés par la balade à travers les champs (les autorités ont décidé de reboiser les collines et de cultiver les terres qui mènent à la chute en plantant différentes variétés de fruits et légumes que les visiteurs pourront déguster en chemin). Après un chemin escarpé mais très accessible même sans vraies chaussures de marche, la chute arrive au pied d’une falaise de 84 mètres de haut et se termine en une petite vasque relativement peu profonde à l’eau très fraîche. On peut s’y recueillir et faire un vœu, sans oublier de jeter une pièce dans l’eau… Le guide affirme qu’après une visite au pied des chutes de Mamy Wata un sentiment de sérénité et de bien-être doit s’emparer de vous. Quant aux sacrifices, très fréquents, ils se déroulent au départ de la cascade sur un promontoire en pierre du haut duquel on domine la chute d’eau.
On vous recommande également ces sujets :
Idée week-end : San Remo sur la Riviera italienne
Aya Désirs du Monde propose toujours plus de destinations
Regard sur .... La Mode Africaine
À des dizaines de kilomètres de Mamy Wata, la grotte de Fovu, près de Baham, compte parmi les lieux les plus visités du Cameroun. Plus qu’une grotte, cet ensemble de cavités naturelles et de gigantesques blocs de pierre dont certains semblent posés en équilibre en défiant toutes les lois de la physique, forme un lieu sacré réputé. D’ailleurs, le plus gros rocher du site (40 m de long, 20 m de large, 15 m de haut) nommé La cathédrale semble posé dans le vide, sans piliers de suspension. Un équilibre tellement improbable que selon la tradition, ce seraient les dieux qui auraient déposé cette pierre depuis le ciel. Les habitants racontent aussi que du temps de l’occupation étrangère lorsque le danger se profilait la population se cachait sous ces blocs de pierre qui s’ouvraient pour laisser un passage où les familles se terraient, des jours, des semaines. Les envahisseurs intrigués se demandaient où tout le monde avait disparu. Les grottes de Fovu, elles, protégeaient les habitants qui ne ressortaient qu’une fois le danger écarté. Ce lieu où la lignée royale communique avec les esprits est un l’un des plus grands sites camerounais de pèlerinage pour des rites de purification, lavages, pratiques mystiques, sacrifices. Lorsque l’on se promène au milieu de ce vaste ensemble de blocs de granit, il faut faire attention où poser les mains, le sel, l’huile de palme ou l’huile rouge sont déposés sur nombre de pierres lors des offrandes et sacrifices. Poulets, moutons sont ainsi sacrifiés et si, par hasard, vous êtes là au moment de la distribution vous vous devez d’en accepter un morceau… un moment de partage pour apaiser ou satisfaire les dieux.
Si le catholicisme, le protestantisme, l’islam et bien d’autres pratiques religieuses comme les Témoins de Jéhovah se pratiquent au Cameroun, le respect aux ancêtres et les traditions ancestrales perdurent. Ces dernières ont survécu aux nouvelles doctrines religieuses amenées par les Blancs au XIXe siècle. Il n’y a jamais assez trop de dieux pour demander protection …
Par D.M
Vous avez aimé cet article ? Partagez le :